marguerite_duras
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L' amante / Marguerite Duras. - Milano : Feltrinelli, 1985. - 123 p. ; 20 cm. - (Narratori).
Francese | Italiano |
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Je regardais ce qu’il faisait de moi, comme il se servait de moi et je n’avais jamais pensé qu’on pouvait le faire dela sorte, il allait au-delà de mon espérance et conformément à la destinée de mon corps. Ainsi j’étais devenue son enfant. Il était devenu autre chose aussi pour moi. Je commençais à reconnaître la douceur inexprimable de sa peau, de son sexe, au-delà de lui-même. L’ombre d’un autre homme aussi devait passer par la chambre, celle d’un jeune assassin, mais je ne le savais pas encore, rien n’en apparaissait encore à mes yeux. Celle d’un jeune chasseur aussi devait passer par la chambre mais pour celle-là, oui, je le savais, quelquefois il était présent dans la jouissance et je le lui disais, à l’amant de Cholen, je lui parlais de son corps et de son sexe aussi, de son ineffable douceur, de son courage dans la forêt et sur les rivières aux embouchures des panthères noires. Tout allait à son désir et le faisait me prendre. J’étais devenue son enfant. C’était avec son enfant qu’il faisait l’amour chaque soir. Et parfois il prend peur, tout à coup il s’inquiète de sa santé comme s’il découvrait qu’elle était mortelle et que l’idée le traversait qu’il pouvait la perdre. Qu’elle soit si mince, tout à coup, et il prend peur aussi quelquefois, brutalement. Et de ce mal de tête aussi, qui souvent la fait mourante, livide, immobile, un bandeau humide sur les yeux. Et de ce dégoût aussi qu’elle a quelquefois de la vie, quand ça la prend, qu’elle pense à sa mère et que subitement elle crie et pleure de colère à l’idée de ne pas pouvoir changer les choses, faire la mère heureuse avant qu’elle meure, tuer ceux qui ont fait ce mal. Le visage contre le sien il prend ses pleurs, il l’écrase contre lui, fou du désir de ses larmes, de sa colère. |
marguerite_duras.1570624836.txt.gz · Last modified: 2019/10/09 14:40 by francesco